Chronique

MESHUGGAH - IMMUTABLE / Atomic fire records 2022

Un objet immuable, est un objet dont l'état ne peut pas être modifié après sa création. Si on peut s’arrêter à la condition humaine dépeinte dans l’artwork, il en va, aussi et surtout, de la musique Meshuggah qui reste fondamentalement la même au bout de trente d’existence. Les Suédois se confinent dans leur métal extrême progressif déshumanisé, continuant de le reluire, de le polir et de le peaufiner autour des sempiternelles mêmes idées, avec une créativité qui semble sans limite et procure à chaque fois une expérience unique. Voici donc Immutable, leur neuvième itération.


Séance de rattrapage
Si vous êtes ici, c’est peut-être que le phénomène vous a échappé. Pour faire le plus court possible, Meshuggah est entré au panthéon du métal en 2008 avec Obzen. Le public (re)découvrait alors ce travail de génie sur les rythmes complexes, sous une forme relativement simplifiée, avec une production en béton armé. Et jusqu’à aujourd’hui, les Suédois n’ont produit que des bangers en continuant à produire des albums plus accessibles et moins expérimentaux. Immutable va encore plus loin dans cette démarche. Il est à la fois plus lourd qu’un cassoulet au dessert, et intelligible. Meshuggah pour les nuls. The abysmal eye, Light the shortening fuse et Phantoms qui s’enchainent en début d’album font office de bonne mise en bouche pour comprendre à quoi on à affaire.


Shhhhhhhhh
Des nouveautés, pour ceux qui sont déjà tombé dans la marmite, il y en a quand même quelques-unes et ce dès le premier titre de l’album Broken cog. Signifiant littéralement Mécanisme brisé, un titre qui va à merveille au genre, il semble n’être qu’une très longue introduction, sans queue ni tête ni refrain, dans laquelle la voix murmurée de Jens Kidman procure autant la surprise qu’une énorme sensation de malaise. Une très grosse entrée en matière qui promets quelques moments what the fuck bien croustillants. Et la promesse sera tenue.


Chaud et groovy
Il n’échappera pas dans le même temps le fait que le son a littéralement changé. Le son est ample, gras, chaud, groovy et s’accorde avec le tempo globalement lent, même pour du Meshuggah, sur l’ensemble de l’album. Un résultat qui n’a rien du hasard puisque c’est le guitariste Mårten Hagström, passionné de stoner, qui a apporté la majorité de la matière brute. Amateurs du genre, je vous invite à vous plonger dans They move below qui est un des morceaux les plus surréalistes, cosmiques que le groupe n’ait jamais composé. Avec une composition d’une simplicité insolente, ce titre parvient à être le puit de gravité de cet album. Un moment d’évasion, dans le moment d’évasion.

Ce titre contribue également à une autre signature de cet album, l’harmonie de sa tracklist. Immutable est conçu pour être parcourue de A à Z avec une lecture en groupe. Il aménage des temps de pause, aère les moments de lourdeur avec les moments plus perchés et passera même par la case provocation avec Black cathedral qui fait couler tant d’encre sur le net avec son ADN black métal sans une once ce batterie, frustrant au possible. Audacieux. Il fallait y penser.


Qu’est-ce qu’on peut dire pour clôturer ? Et bien que souvent copié, jamais égalé, les suédois restent les darons et les patrons du game. Pour les jeunes et les moins jeunes, Immutable monte une nouvelle fois le cran au-dessus en termes d’accessibilité sans rien sacrifier à la technique, même si le maître des fûts Tomas Hakke a adapté son jeu de batterie pour nous laisser quelques fils d’Ariane. Cet album est la meilleure proposition à offrir pour découvrir Meshuggah, et un voyage unique de plus pour ceux qui ont déjà leur billet à vie.


Line up
Jens Kidman : chant
Fredrik Thordendal: guitare
Mårten Hagström : guitare
Dick Lövgren : basse
Tomas Haake : batterie


Tracklist
1. Broken Cog
2. The Abysmal Eye
3. Light the Shortening Fuse
4. Phantoms
5. Ligature Marks
6. God He Sees in Mirrors
7. They Move Below
8. Kaleidoscope
9. Black Cathedral
10. I Am That Thirst
11. The Faultless
12. Armies of the Preposterous
13. Past Tense
 
Critique : Weska
Note : 9/10
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