Interview

DEEP PURPLE (2020) - Rogler Glover (Basse)

Il est toujours impressionant d'interviewer une légende et Roger Glover, le bassiste de Deep Purple, en est assurèment une mais Glover malgrè la gloire et des millions d'albums vendus de par le monde est surtout un musicien d'une grande humilité. Entretien.

« Le nouvel album, « Whoosh ! », est sorti il y a un mois et s'avère être un gros succès : numéro 4 en Angleterre ( plus haute place dans les charts depuis « Burn » en 1974), numéro 8 en France ( plus haute place depuis « Perfect Strangers » en 84), j'imagine que vous êtes très heureux. »


« Bien sûr. On ne sait jamais comment les choses vont se passer pour un album. Mais même si les années passent, nous restons ambitieux. Nous avons travaillé sur les trois derniers albums avec Bob Ezrin. Il nous a beaucoup apporté et le résultat est là. »

« Comme tu viens de le dire Bob Ezrin a produit vos trois derniers disques. Que vous a -t-il apporté ? »

« Il nous a vu il y a quelques années lors d'un concert à Toronto. A la base, il n'y avait pas l'idée d'une collaboration avec lui. Il a vu la grande qualité musicale du groupe. Pour lui, c'était comme un groupe de jazz, un groupe composé de très bons musiciens. Il a voulu capter cela en studio. On a enregistré très vite en gardant le plus possible la spontanéité. Bob nous aide beaucoup. C'est un très grand producteur et il nous apporte énormèment. »

« Vous enregistrez toujours à partir de jams ? »

« Cela arrive, oui. On joue tous ensemble depuis si longtemps que nous nous connaissons parfaitement. »

« Vous avez enregistré une nouvelle fois à Nashville. Vous avez un attachement particulier à cette ville ? »

« Oui, nous étions dans un super environnement et en plus avec l'esprit tranquilles d'être dans un super studio. C'est important pour créer de se sentir bien. Là où nous étions, nous nous sentions particulièrement bien. Malheureusement, nous n'avons pas pu enregistrer dans le même studio que pour les deux précédents albums car il n'existe plus. Dommage, car nous aimions aussi beaucoup ce lieu. On a pas mal enregistré à Nashville ces derniers temps car outre le fait que ce soit une super ville avec d'excellents studios, Bob travaille entre cette ville et Toronto. »

« L'album est un mix réussi entre rock classique et titres plus expérimentaux. Je pense notamment à ces trois morceaux : « The Power of The Moon », « Remission Possible », « Man Alive ». »

« Quand tu fais des trucs expérimentaux, tu ne sais pas vers quoi tu vas. On a eu l'idée de faire ces trois titres qui forment une sorte de trilogie. »

« Est-ce que ces morceaux parlent de l'état de la planète ? »

« L'auditeur peut les interprèter comme bon lui semble. Bob Dylan écrit des morceaux où chacun peut se créer sa propre réalité et c'est très bien. L'imagination est importante.Si tu penses à la planète, même si certaines choses peuvent être préoccupantes, elle sera néanmoins toujours là dans le futur. Je n'ai aucun doute là-dessus. Purple est là depuis 50 ans ce qui est une goutte d'eau par rapport à l'histoire de l'humanité. »

« L'un des thèmes de l'album, c'est le temps qui passe ? »

« Il y a des éléments de ça, oui. Deep Purple existe depuis 50 ans. On a appellé l'album « Whoosh ! » car le temps passe, inexorablement. Je vis de plus en plus dans le présent et uniquement dans le présent. C'est tout ce que l'on a et chaque moment compte. »

« Les morceaux de l'album sont courts. Il n'y a pas de titres épiques de dix minutes à la « Child in Time ».

« Nous n'avons pas de plan préétabli, n'écrivons pas de morceaux à l'avance. Après, nous ne sommes plus le même groupe que celui que nous étions dans les années 70.Cela a changé avec le départ de Ritchie Blackmore. »

« Il y a pas mal de groupes qui ont écrit des hits mais peu ont écrit des titres iconiques : les Stones avec « Satisfaction », Led Zep avec « Stairway to Heaven », AC/DC avec « Back in Black », vous avec « Smoke on the Water ». Qu'est-ce que cela représente pour un musicien ? »

« Tu ne peux pas écrire une chanson iconique. C'est le public qui fait qu'elle le devient. On ne savait pas ce que deviendrait « Smoke on the Water » lorsqu'on l'a écrit. Cela a été la même chose pour « Highway Star » qui a été également un titre énorme par la suite. Il n'y a pas de règles. Il faut simplement croire à son instinct. »

« Cela ne vous ennuie pas de jouer encore aujourd'hui « Smoke on the Water » live ? »

« Pas du tout. C'est un super morceau à jouer live. Nous la jouons toujours différemment. Et en plus, les jeunes connaissent le titre, bien sûr, mais ne l'ont jamais entendu en concert. »

« Depuis le départ de Ritchie Blackmore, Purple semble plus stable. Même si je sais que tu l'apprécies beaucoup, c'était compliqué avec lui ? »

« Je ne dirai jamais rien contre Ritchie. Cela fait maintenant plus de vingt ans qu'il n'est plus dans le groupe et celui-ci a trouvé son équilibre. Tu peux en tirer les conclusions qui s'imposent. On se respecte avec Ritchie ce qui ne veut évidemment pas dire qu'il n'y a jamais eu de frictions, loin de là. »

« Et avec les deux Ian, vous vous connaissez depuis 50 ans. »

« C'est comme si nous étions plus qu'un groupe, un mouvement. Je suis dans Purple depuis 1969. Ils sont comme des frères pour moi. Parfois, nous ne sommes pas d'accord mais cela reste des frères. »

« Vous voyez en dehors du groupe ? »

« Non, parce que chacun vit aux quatre coins du globe et a sa vie de famille. Mais on échange, on s'envoie des mails. »

« Tu es connu comme musicien mais tu es également un grand producteur. Tu as commencé la production alors que tu étais un jeune musicien. C'était rare à l'époque. »

« J'ai toujours voulu être un song-writer, toujours eu envie d'écrire de bons morceaux. Lorsque j'ai rejoint Purple, j'ai participé au song-writing. Etre créatif est ce qui me plait le plus dans la musique.
C'est pour cela que j'aime produire, pour permettre à des musiciens de s'exprimer. J'ai produit « Pick up a Bone » de Rupert Hine qui est décédé il y a quelques mois malheureusement, en 1971. A mon retour du Japon en 73, après avoir quitté Purple, j'étais très déprimé. J'ai vécu une période difficile à ce moment là. J'ai alors produit l'album de Nazareth « Razamanaz » qui a été un grand succès et dont le morceau « Broken Down Angel » est entré dans le top 10 anglais.Cela m'a redonné le moral. Des années plus tard, c'est en tant que producteur que j'ai rejoint Rainbow pour « Down to Earth ». Il n'était pas question que je sois dans le groupe. Les autres membres de Rainbow m'ont alors demandé de les rejoindre. Je suis donc devenu et leur producteur et leur bassiste. De 73 à 79, je n'ai fait que produire. J'étais content d'être de nouveau dans un groupe. »

« On parle tout le temps de vous comme pierre angulaire de la trilogie de base du hard-rock avec Led Zep et Black Sabbath. Tu as dit récemment que vous étiez bien plus sages que ne l'étaient les membres de Led Zep. »

« Chaque groupe a des membres avec des caractères difficiles. Nous n'étions pas un groupe à la mode. Nous voulions simplement nous amuser. »

« Tu veux dire que Led Zep était un groupe à la mode ? »

« Bonne question. Difficile de répondre à cela. Disons que pour Led Zep, il n'y avait pas que la musique qui entrait en jeu. Comme musicien, tu te dois de changer. Les gens ont peur de changer. C'est un challenge. Page et Plant y sont parvenus. Ce qu'ils font depuis vingt ans est très intéressant. »

« Tu es une légende et tu as dit récemment n'être qu'un simple bassiste. C'est faire preuve de la plus grande humilité qui soit. »

« Mais je le pense. Je vois des bassistes fabuleux. Je ne ne suis devenu bassiste que pour être song-writer. Je fais le job, c'est tout. Je ne suis là que pour servir la chanson. »

« Il y a des bassistes que tu apprécies particulièrement ? »

« Paul Mc Cartney. Ce qu'il fait n'est pas compliqué mais les mélodies sont sublimes. Il est là pour accompagner le morceau et comme je viens de le dire, pour moi c'est cela le rôle d'un bassiste. »

« Tu joues généralement sur Vigier mais depuis « Now What » tu joues souvent sur des Fender Precision. »

« Oui c'est Bob (Ezrin) qui avait suggéré cela. Il m'avait dit : « Ok je sais que tu es attaché à ta Vigier mais essaie la Précision. » Je l'ai essayé et c'est vrai qu'elle est très très bien. Pink Floyd, Peter Gabriel, Alice Cooper utilisaient cette basse sur nombre de leurs enregistrements.Et Tony Levin qui est un bassiste que j'adore l'utilise. »

« J'ai entendu dire que puisque la tournée est reportée;vous allez déjà vous remettre au travail en vue d'un nouvel album. C'est vrai ? »

« C'est possible, oui. Au lieu de ne rien faire, autant s'y remettre très vite. On va voir cela mais c'est effectivement une possibilité. »

« Durant la prochaine tournée, qui on l'espère tous aura lieue, il y a pas mal de dates en France. Vous aimez notre pays ? »

« Oui, j'aime beaucoup la France. Dans les années 70, lorsque l'on jouait en France, nous n'étions programmés que dans les plus grandes villes : Lyon, Paris. Cela ne fait pas si longtemps que nous sommes devenus énormes chez vous. Depuis que nous avons joué aux Vieilles Charues en 2005 avec Buena Vista Social Club, en fait. »

« Quels sont tes disques préférés de Deep Purple ? »

« In Rock » parce que c'est l'album sur lequel nous nous sommes découverts. « Purpendicular » parce que c'est le premier album avec Steve et celui où nous sommes devenus un groupe différent. Et j'aime beaucoup les trois derniers. »

« Dernière question. Martin Birch est décédé cette année. Il a été l'ingé son de vos albums cultes. Quel souvenir gardes-tu de lui ? »

« Nous n'avons pas travaillé avec lui depuis très longtemps. Il avait capté ce que nous étions live et avait réussi à le retranscrire en studio. A l'époque, il y avait le live d'un côté, le studio de l'autre. En studio, il ne fallait pas faire la moindre erreur. Lui a compris qu'il fallait retrouver notre furie scènique sur disque. C'était un super ingé son et en plus il était très drôle. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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