Interview

PRIMAL AGE (2021) - Didier Cauchois (Chant)

Après plus de vingt-cinq ans d’existence Primal Age continue de répandre la bonne parole hard-core dans et hors de nos frontières. Leur nouvel album, « Masked Enemy » montre un groupe toujours aussi doué lorsqu’il s’agit de mélanger metal et hard-core. Entretien avec leur chanteur Didier Cauchois.

« Le groupe existe depuis plus de vingt cinq ans. Vous pensiez à vos débuts durer aussi longtemps ? »


« Honnêtement non. Nous étions un groupe de potes. Nous nous sommes rencontrés lors d’un concert en Normandie. On s’est posé et avons réfléchi au fait de faire un groupe un peu sérieux. Nous avons sorti un premier album en 1999. Aujourd’hui il reste encore moi et Dimitri, le bassiste, du line-up d’origine. »

« Dès vos débuts vous mélangiez metal et hard-core. Ce n’était pas si courant à cette époque dans la scène hard-core. »

« Quand nous avons débuté il y avait cette vague de groupes hard-core comme Madball ou Sick of it all. Nous aimions le hard-core et le son massif du metal. Il y avait quand même des groupes français et belges qui faisaient cela comme Kickback ou Arkangel. Nous sommes partis dans cette voie. Nous écoutions du hard-core bien sûr mais aussi du metal : Slayer, Metallica. On ne pensait pas à l’époque que le style metal/hard-core se développerait autant. »

« J’imagine que vous deviez aimer un groupe comme Biohazard qui mélangeait hard-core et metal. »

« Clairement. Biohazard faisait partie des références bien sûr. On aimait bien ce mélange rap, metal, fusion. »

« Et vous étiez influencés par la scène hard-core new-yorkaise, par des groupes comme Youth of Today, Chain of Strenght ? »

« Cette scène nous a influencé pour les textes. Des groupes comme Judge ou Youth of Today dont tu parles. Ils nous ont influencé par rapport à l’idéologie straight-edge, par rapport au véganisme. »

« A ce propos vous êtes très militants végétarien. »

« Le guitariste de l’époque était végétarien. Je ne l’étais pas à cette époque mais nous avons mangé ensemble, discuté. Et je le suis devenu suite à ses discussions. Le végétarisme a été beaucoup développé ces dernières années ce qui est bien mais le revers de la médaille est que ce succès a fait que l’industrie agro-alimentaire en a fait une nouvelle source de profit. »

« Le végétarisme est devenu très développé comme tu le dis. Cela vous fait quoi d’en avoir parlé presque avant tout le monde ? »

« C’est positif. Cela a permis de développer les consciences, du moins je l’espère. Mais le revers de la médaille c’est que le succès du végétarisme fait qu’aujourd’hui l’industrie de la viande propose des trucs vegan juste pour le profit. Il y a une mode végan désormais. Lorsque Dimitri voit les discussions sur les forums il est souvent agacé. Nous sommes nous-mêmes moins extrêmes que nous ne l’étions dans les années 90. A l’époque nous voulions brûler les MC Do. Aujourd’hui nous voulons expliquer les choses. Après les concerts nous avons des discussions constructives avec le public. On les renseigne.

« L’illustration de l’album montre-t-elle que les méfaits du capitalisme amènent à l’exploitation et à la surconsommation ? »

« Ce n’est peut-être pas autant politique que cela. La thématique de l’album est autour de la cause animale. Les élites éteignent les incendies à coup de seaux d’eau. On frappe sur les intermédiaires. On ne travaille jamais sur le long cours comme pour la déforestation par exemple. »

« Vos textes parlent souvent de la cause animale, d’écologie mais aussi parfois de choses plus personnelles. »

« Oui même si sur cet album il n’y a pas de textes persos. Lorsqu’il y en a nous parlons d’amis que nous avons perdus à cause de la drogue. Ou d’autres choses, par exemple sur l’album de 2010 il y avait un texte sur la monotonie du travail en usine. Notre guitariste de l’époque bossait chez Renault. Dimitri écrit les textes. Je lui parle des thèmes qui me tiennent à cœur et nous en discutons. »

« Vous avez une longue carrière mais avez sorti assez peu d’album. Pourquoi ? »

« On ne veut pas sortir un album pour sortir un album. Nous ne sommes pas dans le schéma de produire pour produire. On fonctionne en auto-gestion. On s’auto-finance. Parfois nous avons un peu de subvention. On a un profond respect de notre public. Nous essayons toujours d’améliorer la qualité de nos productions. »

« J’imagine que vous êtes fiers de votre longévité ? »

« Clairement. Nous en sommes très fiers. »

« Vous venez de Gisors en Normandie. Vous y êtes toujours. Comment est la scène aujourd’hui là-bas ? »

« J’y suis toujours. Des membres du groupe eux viennent d’Alençon ou d’Evreux. La scène locale est différente de ce qu’elle était il y a 20 ans mais toujours active. Le 106 à Rouen programme de bonnes choses. Il y a un potentiel important de groupes et de musiciens dans la région. Il y a un excellent groupe rouennais, Elephants, par exemple. »

« Votre nouvel album mélange encore une fois super bien metal et hard-core. »

« Oui je le trouve varié. Il a un côté new-york hard-core au niveau des chœurs. On a accentué ce côté-là. On a pris le temps pour trouver ce gros son. La période de confinement nous a permis de prendre le temps. L’album était prévu pour le printemps 2021. On en a repoussé un tout petit peu la sortie. »

« WTF le label sur lequel vous êtes est un label hard-core ? »

« Oui, c’est un label que l’on aime beaucoup. Nous avons été honorés qu’il nous contacte. En plus ils vont sortir une version vinyle de l’album. Nous sommes très contents de cela. »

« Vous avez une grande notoriété dans la scène hard-core, française mais aussi internationale. Vous n’avez jamais songé à passer pro ? »

« Si on y avait pensé dans les années 90. On avait été à deux doigts de signer avec un gros label hard-core, Goodlife. Ce n’est pas grave que cela n’ait pas eu lieu. Nous sommes épanouis dans nos vies de tous les jours. Faire de la promo, comme en ce moment, n’est que du bonheur. »

« Vous avez tourné à l’étranger, au Japon notamment ? »

« Nous sommes distribués au Japon depuis plus de quinze ans. On a tourné au Mexique et au Brésil également. Au Japon c’est la folie avec un public de passionnés. On a joué dans un festival hard-core là-bas. A l’ouverture, à 13 heures, il y avait 800 personnes. A la fin les mêmes 800 personnes. Ce n’est pas comme en Occident où le public ne se déplace que pour les têtes d’affiche. On a très envie de rejouer au Japon. »

« L’épidémie de Covid semble toucher à sa fin. Vous avez des concerts prévus bientôt. »

« Oui on voit la sortie du tunnel. Mais cette crise aura permis de comprendre que lorsque l’on malmène la nature, celle-ci reprend ses droits. On a des concerts prévus mais principalement à l’horizon 2022. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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