Interview

DEFICIENCY (2022) - Ben (Batterie) et Laurent (Chant)

Deficiency a toujours été un groupe un peu à part dans la scène thrash. Loin de n’être qu’un groupe revivaliste du genre les Lorrains l’ont toujours mélangé à d’autres éléments. Résultat : un groupe toujours novateur et intéressant. Entretien avec Ben, batteur du groupe et Laurent, guitare et chant.


« Ce nouvel album arrive cinq ans après « The Dawn of Consciousness ». Pourquoi a-t-il fallu attendre aussi longtemps pour voir ce disque arriver ? »


« Après la sortie d’un disque nous tournons beaucoup. On défend un album sur scène durant deux ans et demi, trois ans. Il y aussi le fait que nous avons changé de batteur, que des membres du groupe sont devenus papas. Et avec le Covid on a repoussé le disque pour pouvoir le défendre sur scène. »

« Pourquoi tous vos albums sont-ils des concepts-albums ? »

« Nous n’arrivons pas à passer du coq à l’âne, on a besoin d’une ligne directrice. »

« Dans vos albums précédents les histoires étaient fictionnelles. Ce n’est pas le cas dans celui-ci. »

« On avait un peu fait le tour sur le côté science-fiction. Il y a une tendance aujourd’hui à se recentrer sur le local et nous n’y échappons pas. L’Histoire que nous racontons est la nôtre. Ces lieux font partie de notre quotidien, on les voit tous les jours. Illustrer ces images-là était une évidence pour nous. »

« Le Warenta du titre de l’album est une forêt, c’est cela ? »

« C’est une forêt où l’on se promène en famille. On ouvre les portes de notre quotidien avec cet album. »

« L’Histoire se passe à la fin de la seconde guerre mondiale, je crois. »

« Oui, c’était le quotidien des mineurs dans ces années-là. Nous avons tous dans le groupe des grands-parents ou parents qui ont travaillé à la mine. Les événements dont on parle ont eu lieus. Il y a même eu une enquête de police dessus. Il y a à la fois des croyances de type germanique autour de cela et une croyance religieuse car les mineurs étaient très croyants. Cette histoire est celle d’une malédiction qui a frappé plusieurs familles dans ces lieux, à cette époque. »

« Quel est cette histoire de ces plumes que l’on retrouvait dans les oreillers ? »

« Des plumes se retrouvaient dans les oreillers et les enfants tombaient malades. Les plumes étaient considérées comme à l’origine des malheurs de ces gens. »

« Vous avez eu envie d’en faire quelque chose de patrimonial ? »

« D’une certaine façon, oui. On a pensé après avoir écrit l’album à ce que l’on pourrait faire visuellement. On a été au Musée de la Mine au Parc Explor Wendel. On a pu tourner dans des endroits qui sont accessibles au public mais aussi dans d’autres qui ne le sont pas habituellement. »

« Que représente l’héroïne sur la pochette ? »

« Le côté mystérieux de cette histoire. Il y a plein de choses surnaturelles dans cette histoire et elle le représente bien. Elle est là pour plein de raisons. »

« Musicalement ce que vous proposez est loin d’être du thrash metal basique même si vous êtes un groupe thrash. »

« Clairement. Nous avons cette base thrash. De plus Ben, le nouveau batteur, a amené des choses nouvelles puisqu’il a des influences moins extrêmes que le reste du groupe. On ne fait pas pour autant du metal-prog mais des choses ont changé, oui. Nous n’avons pas à donner à notre public ce qu’il attend de nous car nous n’en sommes pas à ce niveau. Du coup nous n’avons pas ce carcan. On peut faire un break avec des instruments symphoniques si cela nous chante. »

« Il y a un côté mélodique évident dans ce disque. »

« On a toujours eu ça mais il est peut-être encore plus présent dans ce disque. Nous aimons les refrains accrocheurs. Gamin nous aimions beaucoup Maiden. Cela ressort peut-être aujourd’hui. »

« Il y a aussi un côté heavy, je trouve. »

« On aime les guitares harmonisées. Il y a des passages comme ça dans l’album mais nous ne sommes clairement pas un groupe heavy. »

« Il y a aussi une touche de metal moderne. »

« Oui mais le metal moderne d’il y a dix ans ou même vingt avec un côté death-melo. Dans le thrash aujourd’hui c’est soit du revival soit du thrash plus moderne comme ce que l’on fait. »

« On trouve Björn Strid de Soilwork sur « I am the misfortune herald ». Je sais que c’est un groupe que vous affectionnez particulièrement. »

« C’est l’une de nos grosses influences. Björn sait fédérer autour d’une mélodie d’une manière superbe. Les riffs de guitare chez Soilwork sont impressionnants. On aime cet aspect : la guitare ne coule pas de source chez eux et l’on s’inspire de cela. On l’a contacté et il a dit oui. »

« Machine Head c’est une autre grosse influence ? »

« Pour moi c’est un groupe qui a su comprendre ce qu’est le metal efficace. Machine Head a fait une synthèse de tout ce que j’aime dans le metal. »

« Il y a aussi un featuring avec Davish G. Alvarez de Angelus Apatrida sur l’album. »

« On s’est croisés plein de fois avec les membres de ce groupe. Ce sont des mecs adorables. Son solo est magnifique. La scène thrash se soutient et c’est bien. Musicalement c’est l’un des groupes les plus intéressants de la nouvelle génération thrash. »

« Pourquoi trouve-t-on « Real is Revealed » comme bonus-track dans l’album ? »

« Ce devait être un single bien avant la sortie officielle du disque. Cela ne s’est pas fait. Du coup nous n’avions pas pu la mettre en avant. Elle ne fait pas partie du concept-album. C’est pour cela qu’on l’a mise à part. »

« L’album sort chez Metal East. »

« C’est notre label. Nous l’avons crée l’an dernier. Notre précédent label a arrêté en 2018-2019. On a décidé de se lancer nous-mêmes. Un groupe comme le nôtre a du mal à intéresser une très grosse structure. Il faut pour cela arriver au bon moment, au bon endroit. On a toujours fait les choses en DIY. On a voulu continuer dans cette voie. On sort plein de choses différentes sur Metal East. On développe la scène locale mais pas seulement. On est au service des groupes. Les royalties sont quasi intégralement reversées à ces derniers. »

« Il y a des dates à venir ? »

« Une dizaine. On va défendre l’album sur les scènes nationales et internationales. On a un public à l’étranger. Les gens nous découvrent par les tournées mais aussi par Internet. Le deuxième pays qui nous suit le plus c’est les Etats-Unis. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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