Interview

MUDWSEISER (2022) - Reuno (Chant)

Quatre ans après « So Said The Snake » Mudweiser nous revient avec un « The Call » détonnant. Poisseux à souhait, ce nouvel album délivre un stoner lourd et rugueux. Entretien au Dr Feelgood-Rocket avec Reuno, chanteur à casquettes multiples ( Lofofora, Madame Robert).

« Ce nouvel album de Mudweiser arrive quatre ans après « So Said the Snake ». Pourquoi un temps aussi long ? »


« On a cru à un moment que le groupe allait s’arrêter. Said qui était le membre fondateur du groupe est parti vivre aux Etats-Unis. On avait fait un album et un EP ensemble. On lui avait trouvé un remplaçant, Ole, qui est parti pour faire de la compo pour des musiques de films. Après le départ de ce dernier on pensait que Mudweiser était terminé puis Said est revenu des Etats-Unis. »

« Said est revenu avec l’idée de revenir dans le groupe ? »

« Je ne sais pas mais en tout cas il nous a envoyé un message en disant « les gars on peut raccrocher les wagons si vous voulez. »

« L’album est plus dur que vos disques précédents. »

« C’est vrai. Dans les derniers albums de Mudweiser c’est peut-être le côté Allman Brothers, Pearl Jam qui avait pris le dessus. Là il y a un son bien rocailleux. »

« C’est un album stoner très puissant. »

« On a toujours aimé ça. Avoir un côté psychédélique mais qui tape dur. C’est vrai qu’il y a un côté très frontal dans ce disque. »

« C’est aussi pour ça que l’album est assez court ? »

« Non, c’est parce qu’on sort nos albums en vinyle et qu’au-delà de 35 minutes le son n’est plus très bon sur un disque vinyle. »

« Le côté blues est très présent dans cet album. »

« Le stoner est très large, nous, nous sommes dans le style le plus puissant du genre. Pour le blues j’aime les losers magnifiques du genre. Quand je cherche une mélodie de voix je vais vers la forme la plus classique possible. Clutch est très rentre-dedans mais blues. John Lee Hooker ça sent le vaudoo. Il y a un côté très rugueux là-dedans. »

« Tu écoutes beaucoup de blues ? »

« Oui, des gens comme Bo Diddley qui a un côté sauvage et tribal. Faire sa musique à son époque ce ne devait pas être évident. J’avais lu une interview de Lux Interior des Cramps qui disait que le rockabilly était un truc super mal vu et violent dans les années 50 aux States. »

« Tes paroles sont toujours inspirées par l’imaginaire de série B ? »

« Tout à fait. Je m’imprègne de la musique et je pense à l’imaginaire qui va avec. J’aime l’univers des frères Coen. « Reckless Dream » a un côté roman noir à la « Dahlia Noir. »

« Tu lis beaucoup de polars ? »

« J’aime Jim Thompson, Donald Westlake. Dès la première page d’un livre de Westlake tu es happé par le truc. C’est inspirant ce genre de livres pour écrire des chansons, pour planter le décor. »

« Comment gères-tu tous tes projets, Mudweiser, Lofo, Les Tambours du Bronx, Madame Robert ? »

« J’adore ça. Et c’est bien d’avoir plusieurs palettes. C’est par exemple grâce à Mudweiser que j’ai compris que je savais chanter. Dans Lofo je gueulais. C’est du fait de Mudweiser que Lofo a un côté plus mélodique aujourd’hui. »

« Pour les tournées ce doit être costaud de jongler entre tous ces projets ? »

« Fin Septembre la tournée de Lofo se finira. On pourra alors jouer avec Mudweiser. On pense à monter un co-plateau. Dans les Tambours j’ai deux remplaçants, donc ça va. »

« Tes différents projets sont très différents musicalement. »

« Je suis très éclectique dans mes goûts musicaux. J’écoute tout autant du hip/hop anglais qu’ Idles. J’aime aussi la musique psyché, les Cramps, Black Rebel Motorcycle club, les Black Angels… »

« Tu écoutes beaucoup de stoner aussi ? »

« Cela m’a toujours beaucoup plu, le stoner. Il y a des trucs hippie dans le genre et d’autres qui sonnent très routier. Le panel stoner est hyper large. J’adore un mec comme Brant Bjork. Les autres membres du groupe sont très fans de trucs non stoner comme Eye Hate God ou Crowbar. »

« Cela fait quinze ans que Mudweiser existe. C’est une longue histoire. »

« C’est une histoire d’amitié. On a vécu de supers trucs avec ce groupe. On a eu un pincement au cœur lorsque nous avons pensé que c’était fini car on l’aime bien ce groupe. L’énergie et la hargne qu’il y a dans cet album représente la joie que l’on avait de se retrouver. »

« Vous sortez moins de disques qu’au début du groupe. »

« C’est vrai. Avec les emplois du temps des uns des autres cela a pu être compliqué à certains moments. Il n’y a jamais eu de plan de carrière chez Mudweiser. On s’est quand même rendu compte en jouant sur de gros plateaux que ça marchait bien. »

« Comment faites-vous pour répéter avec tous les membres du groupe à Montpellier sauf toi qui es à Paris ? »

« On ne répète pas. Eux répètent et ils m’envoient ce qu’ils ont fait. Après ça je pose une première voix témoin. Ensuite les choses s’enchainent. »

« Vous avez enregistré l’album à Montpellier ? »

« Oui, chez l’ancien guitariste du groupe. Il a un studio sympa à Frontignan où nous avions déjà enregistré les deux albums précédents. Le master a été fait par Serge Morattel en Suisse. »

« La pochette de l’album fait très série B »

« Je fais tous les visuels du groupe : pochettes, tee-shirt. Il y a un petit côté Romero sur cette pochette. Je suis fan de cinéma. J’adore « Fargo » des frères Coen, ce côté mystérieux et perdu. Il y a souvent des filles sur les pochettes de Mudweiser. Elles sont mises au rang d’icônes chez nous. »

« Tous vos albums sont sortis chez Head Records. Vous êtes fidèles à ce label. »

« Abel, le boss de Head Records, nous a dit il y a longtemps : « si un jour vous voulez faire un disque je vous le sors ». Nous n’avons jamais rien signé. C’est plus cool d’être sur un petit label qui croit en toi que sur un gros où tu seras la dernière roue du carrosse. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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