Live Report

MASTODON - RED FANG - Elysée Montmartre - 29/11/2017

 
J’aimerais vous dire que l’Elysée Montmartre a bien failli re-cramer car l’ambiance était bouillante, ou bien que les structures en fer forgé qui font le charme du lieu ont tremblé tant la réaction du public était intense lors de ce concert du 29 novembre 2017 qui accueillait dans l’ordre : Russian Circle, Red Fang et les très attendus Mastodon. Mais non, le public, qui saturait littéralement chaque espace respirable tellement c’était plein, sera resté dans un état de calme et de recueillement assez fascinant vu la charge d’énergie envoyée, de façon très différente, par chacun des groupes.

Allez, une fois n’est pas coutume, narrons cela dans l’ordre. La salle s’est d’abord doucement remplie pendant le set de Russian Circle. Au programme, le post rock tourmenté d’un trio qui reste impressionnant de versatilité malgré la sobriété torturée de son répertoire. Les trois musiciens de Chicago attrapent les gens présents et les mettent d’emblée dans un état semi catatonique et hypnotique qui pose le décor d’une soirée où le temps s’arrête. C’est court mais intense, ça donne envie d’en écouter plus voire même de se fader un vrai concert beaucoup plus long. Ça commence bien.

Ensuite, après un changement de plateau somme toute pas assez long pour atteindre le bar, Red Fang prend la suite. C’est compact, ça tape comme une balle et le groupe de Portland change totalement le décor. En écoutant Red Fang, on se dit que si Queens of the Stone Age avait encore des couilles, ils feraient exactement ce genre de musique. Du Stoner, du vrai, pas aseptisé, bien crade, plein, gras et intense, avec cette délicieuse impression de planer dans une lessiveuse de cambouis (ok c’est spécial mais les amateurs comprendront). Ça commence à remuer un peu plus dans la salle mais comme à la fin de leur concert l’Elysée est plein comme la ligne 2 du métro parisien un jour de grève partielle en hiver, espérer atteindre le bar pour toper une bière en moins de 15mn relève de l’exploit, alors pogoter, comment dire, oubliez. Pourtant ça donne envie de crowdsurfer et de se laisser porter par cette délicieuse machine à broyer des crânes. Si vous n’avez pas encore gouté à Red Fang, va ptêt’ falloir faire un détour, attention, groupe majeur.

Et bien vous savez quoi ? Même si le concert s’était arrêté là j’aurai pas gueulé « Remboursez ». Ca faisait longtemps que des premières parties n’avaient pas mis la barre aussi haut. Reconnaissons ce mérite à Mastodon (parce que c’est rare), ils ne cherchent pas la facilité et font la route avec des mecs dont la musique est très bonne, mais dans des styles différents. Une très bonne idée pour le public qui s’en prend plein la tronche et uniquement de la qualité. Bon, heureusement quand même, le concert ne s’est pas arrêté là (j’aurais gueulé un peu quand même et j’aurai pas été le seul).

Mastodon n’arrête pas de rajouter des pierres à un édifice déjà bien complexe et le quatre titres qui est leur opus le plus récent (une espèce de suite psychée de morceaux assez calmes issus des sessions du dernier album, lui très costaud) laissait présager un concert « un peu prog ». Quand ils commencent par un bijou de plus de 10mn issu de Crack the Sky (The Last Baron), le ton est donné et on se prend une flopée de choses complexes longues et contemplatives qui en effet font qu’un Elysée aussi saturé de gens que leur zic l’est de disto se suspend aux guitares pour ne pas en perdre une miette. Comme des mouches devant la lumière, immobiles au dehors mais bouillonnants dedans, la foule se fait doucement happé par le maelström perpétuel. Alors certes il y a du Emperor of Sand (beaucoup), mais pas que, et comme c’est de toute façon un très bon album qui part dans tous les sens, l’impression d’ensemble reste assez fluide.

L’enchainement Ember City/ Megalodon / Andromeda est un assez bon exemple de choses qui s’intègrent bien entre des morceaux issus du dernier opus.

Bémol : les morceaux ont beau être assez long, ça passe super vite. Quand le rappel sonne, on n’a pas eu l’impression d’avoir eu un concert complet (alors que, chiffres à l’appui, treize morceaux de Mastodon ça fait déjà un bon bout de route). Et pour cause, le rappel auto-déclenché en vitesse (Ils sont vraiment partis de scène pour dire on est parti et aussi vite revenus) aura représenté un bon tiers de l’ensemble. Six titres donc, avec un invité de marque, Scott Kelly (Neurosis) qui tourne pour la première fois avec le groupe en live alors qu’il joue comme guest sur les albums studios depuis 2004. D’ailleurs, ils se feront un plaisir de faire tourner la machine à remonter le temps en s’offrant un best off Mastodon feat. Scott Kelly (Scorpions Breath / Crystall Skull / Crack the Skye / Aqua Dementia / Spectrelight / Diamond in the Witch House). Eh ben laissez-moi vous dire qu’on avait eu l’impression de se faire tarter avant, mais que là on s’est pris the méchante baffe. Ce n’est pas que c’est mieux, c’est que c’est bon et qu’en plus c’est rare. Alors oui, je crois que j’ai vu des concerts immenses voire historiques cette année. Mais celui-là c’est le seul qui ait été les deux, sans aucune faute de goût. Ah si pardon, y a un type qui est chargé de la déco chez Mastodon, et je suis persuadé qu’il est tout à fait d’accord avec le groupe, mais si chez Desigual ils cherchent quelqu’un pour faire encore pire que leur production moyenne, ils peuvent prendre le décorateur de Mastodon. Certes les écrans led faisaient mieux le job que d’hab, mais sur le visuel de scène ça reste encore très « viens prendre de l’acide avec nous », je suis méchant c’est pas incohérent, c’est juste qu’autant j’en écoute chez moi autant sur la déco on est pas raccord avec Mastodon, pi voilà.
 
Critique : Thomas Enault
Date : 29/11/2017
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