Live Report

LES TAMBOURS DU BRONX - SIDILARSEN - L'Alhambra - Paris (02/04/2022) - 8/4/2022

 
Samedi 2 avril, 20h un peu passées, une clameur se fait entendre depuis l’extérieur de l’Alhambra, le concert de Sidilarsen a commencé pile à l’heure alors que le public en file continue d’entrer progressivement dans les lieux. Petite salle pour grosse ambiance dès les premiers instants du show, je me faufile à travers la foule et vais me placer face au groupe qui a entamé son set avec un titre de leur dernier album, « À vif ». Ce dernier album en date, le bien nommé « On va tous crever », sorti en 2019, fut le plus défendu lors du concert, puisque quatre autres titres furent interprétés : « Money game », « God’s got guns », « Interdit de se taire » et « On va tous crever » (je rêve d’un featuring avec Didier Super qui a un titre du même nom). David « Didou » Cancel au chant, Benjamin « Viber » Bury à la guitare et au chant, Benjamin « Benben » Lartigue, Sylvain Sarrobert à la basse ont présenté au public leur tout nouveau batteur Etienne Gicquel, qui remplace Samuel « Turbo » Cancel. Le groupe de metal toulousain a l’art et la manière d’évoquer des sujets on ne peut plus sérieux et clivants, de traiter de thèmes dramatiques à travers ses paroles sociales en français et donc directement accessibles, tout en gardant une légèreté de façade, des sourires radieux pour accompagner une ironie mordante, une attitude chaleureuse et sans distance qui donnerait presque l’impression de passer un moment entre potes – de quoi encaisser dans les meilleures conditions des considérations réalistes sur le capitalisme, la corruption, la course au profit, le manque de solidarité, les magouilles politiques, l’importance de la solidarité… Autant dire que les blagounettes et les commentaires de Didou détendaient l’atmosphère, « Bah vous êtes grands, vous vous débrouillez, je veux bien vous passer ma bouteille mais ça suffira pas pour tout le monde » à un spectateur qui demanda « Et nous ? » quand le chanteur dit « Hydratation » en joignant le geste à la parole, « Eh ben ça va pas ou quoi, t’as besoin d’une quatrième dose ? » à un autre membre du groupe, ou avancer que le Covid-19 était en fait un plan du groupe pour faire la promo de leur album « On va tous crever » et relancer leur carrière un peu en berne : de l’autodérision bien nécessaire en des temps plutôt tendus et moroses.
Les cinq cavaliers de l’Apocalypse (un de plus car au vu de l’actualité ça ne semblerait même pas déconnant) ont exhorté le public à « retourner l’Alhambra » pour lancer la chanson « Retourner la France », les pogos et slams allaient bon train, le metal teinté d’électro a vraiment fait remuer une bonne partie des spectateurs de l’Alhambra, pendant que des visuels et des paroles défilaient sur de grands écrans, rendant le show encore plus immersif – et c’est toujours plaisant de pouvoir se la jouer karaoké si on ne connaît pas ses classiques ou que l’on a un trou de mémoire, méthode déclinée pour le remuant « Back to basics » et le fédérateur « Des milliards ». Viber a lu un texte de son cru pour recontextualiser « Guerres à vendre » en évoquant l’hypocrisie de la France au sujet de sa position par rapport à Vladimir Poutine et la situation en Ukraine alors qu’elle monte sans vergogne dans le classement des pays vendant le plus d’armes : un groupe engagé jusqu’au bout et qui ne perd pas une occasion de diffuser ses opinions. L’excitation du public était à son paroxysme pendant « On va tous crever » qui a vraiment fait trembler les murs avec ses paroles reprises en chœur, pendant que sur scène les zébulons de Sidilarsen continuaient de courir dans tous les sens et sauter sur place. Didou nous a demandé de nous casser la nuque et nous a promis que l’on se sentirait bien vivants le lendemain, je pense qu’on l’a tous cru sur parole.
Pour le rappel l’ambiance devint plus solennelle et touchante, avec les titres « Comme on vibre » et l’hymne « Des milliards », avec un petit message qui fleure bon comme un rappel à quelques jours de passer dans les isoloirs : « Tant que l'humain s'adresse à l'homme, nous sommes des milliards contre une élite ! Impossible qu'ils nous évitent ! » Au moment de sortir de scène, David partit sur un « Voilà » de conclusion, quand je vous dis que le style est simple et direct ! Une prestation scénique dingue mais sans une once de frime, pour un beau moment de partage.

Setlist : À vif / Money Game / Retourner la France / Guerres à vendre / God’s got guns / Interdit de se taire / La Morale de la Fable 2020 / On va tous crever / Back to basics
Rappel : Comme on vibre / Des milliards

Le changement de plateau fut impressionnant à regarder vu que l’installation du matos des Tambours du Bronx n’est pas une mince affaire : avec 11 bidons de 225 litres, taggués par le groupe, des micros pour trois chanteurs, deux guitares, une basse, une batterie, des platines électro et des petites estrades pour surélever les musiciens jouant derrière les fûts, les roadies n’ont clairement pas de temps à perdre pour tout mettre en place ! Un tout jeune homme s’affairait près des instruments, recevant des instructions sur un talkie-walkie, et avait l’air un peu perdu ; pas évident comme stage de troisième, mais rapidement tout fut installé et la troupe des Tambours fit son entrée, au son de « Mirage Eternel ». Le backdrop estampillé WOMP, pour Weapons of Massive Percussions, indiquait une configuration metal pour les titres à venir mélangeant allègrement metal mais aussi rock, indus, électro, musique du monde, piochant parmi des classiques de la formation et des reprises revisitées sans pastiche. Le trio de chanteurs Stéphane Buriez (Loudblast), Reuno Wangermez (Lofofora) et Renato Di Folco (Trepalium) fit une entrée acclamée, tout comme Franky Costanza (anciennement dans Dagoba) à la batterie, autre figure bien connue des afficionados de la scène metal française. Un concert des Tambours du Bronx, c’est une attraction totale, on s’en prend plein les oreilles, visuellement c’est fascinant de regarder les percussionnistes infatigables qui martèlent leurs bidons et semblent dans un état second, certains cassant leurs mailloches et en envoyant des morceaux sur scène, dans le public (mon objectif en a esquivé un de peu), quand ils ne leur reviennent pas en pleine tête (un percussionniste avait le nez et l’arcade en sang à la fin du show), l’alternance de passages acoustiques et tribaux et de reprises funky entonnées par des chanteurs qui ne cachent pas qu’ils s’amusent comme des fous, on se prend aussi de l’eau dans la figure quand un percussionniste décide de nous cracher dessus, des graaands câbles de micro nous arrivent dessus quand les chanteurs parcourent la scène de long en large en sautillant, on se prend aussi des pieds dans le dos, des crânes dans le cou ou des humains entiers sur le coin du nez lors de slams surprises ; bref tous les sens doivent être en éveil pour capter tout ce qui se trame sur scène et dans la salle. Les trois chanteurs font des grimaces, posent, divertissent le public, pendant que les percussionnistes inversent régulièrement leur place pour ne pas jouer toujours sur le même fût et que les guitaristes et le bassiste passent parfois à l’avant de la scène pour nous saluer rapidement. La synergie entre les membres du groupe est vraiment plaisante et c’est remarquable comme cette formation disparate, au line up changeant, fonctionne si bien et crée un tout harmonieux et unique en son genre.
C’est vraiment ce genre de groupe calibré pour le live qui livre des prestations intenses qui ne peuvent pas laisser indifférent, on chante, on danse, on crie, on en redemande, et pour le rappel Reuno nous a demandé si on aimait le disco avant de nous lancer « Je veux vous voir bouger votre boule à facettes » et de se lancer dans une petite choré pas dénuée de style, avant de nous lâcher en furie sur la conclusion classique, la reprise de « Dragula » de Rob Zombie. Après le set les musiciens ont passé un long moment à serrer des mains, faire des checks, distribuer des bouts de mailloches au public, une spectatrice est même montée d’elle-même sur la scène à quatre pattes pour aller faire le ramassage des morceaux qui l’intéressaient et pour faire la distribution, sous le regard mi-perplexe mi-amusé de Franky Costanza. Le concert des Tambours était totalement raccord avec celui de Sidilarsen dans tout ce qu’il a pu dégager de puissance et de convivialité, et c’est vraiment un plaisir d’assister aux shows d’artistes qui donnent autant de leur personne sur scène pour nous faire passer le meilleur moment possible.

Setlist : Mirage éternel / Never dead / Delirium demain / Sepultura / L’un des nôtres / Noir / Pray / Jour de colère / Jungle Jazz / The Day / U lost / New Day / Le Festin / Requiem
Rappel : Dragula
 
Critique : Elise Diederich
Date : 8/4/2022
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