Live Report

GRIMA - ULTAR - BLOODY TYRANT - La Péniche Antipode - Paris - 21/7/2022

 
C’est une affiche peu commune et underground qui a rempli la Péniche Antipode pour un concert complet en ce jeudi 21 juillet, avec l’alliance de deux groupes sibériens, Grima et Ultar, et un groupe taïwanais, Bloody Tyrant, pour une soirée black metal composée de groupes que l’on ne voit pas souvent dans nos régions et qui donc se mérite.

De 19h40 à 20h35 c’est la petite troupe de Bloody Tyrant qui chauffe aisément la salle avec des sonorités taïwanaises traditionnelles harmonieusement mêlées à des sonorités black metal plus énervées et virulentes. J’avais découvert le groupe lors de l’édition 2020 du Cernunnos Pagan Fest, et je dois avouer que c’est le seul groupe des trois de ce soir que je connaissais – bien que les autres m’aient rapidement tentée après une écoute rapide de leurs titres et un coup d’œil jeté à leur univers.
Ils sont 6 sur scène, avec un line up assez différent d'il y a quelques années au Cernunnos : une chanteuse a désormais remplacé l’ancien chanteur, l’on trouve toujours un bassiste, 2 guitaristes, un batteur, et une joueuse de pipa, instrument à corde traditionnel taïwanais, vient compléter le groupe en live.
Le set est énergique, revendicatif et joyeux à la fois. Les Bloody Tyrant répètent à chaque concert qu'ils sont taïwanais et pas putain de chinois, et apportent toujours leur drapeau qu’ils brandissent fièrement devant eux, pendant certains titres comme pendant la photo finish. De sacrés ambassadeurs de leur contrée !
Ils ont fait la promo de leur merch' conçu spécialement pour l'Europe, une veste style kimono, dont j'ai oublié le nom, alors qu'ils nous l'ont fait repéter une dizaine de fois, honte sur moi… Le bassiste nous a fait la démonstration de la praticité de la veste, nous indiquant qu’elle pouvait servir à mettre un micro dans la manche, ou ce qu'on veut, « de la marijuana » a-t-il suggéré. Le groupe a une attitude super simple, drôle et abordable en plus d’un talent incontestable.

Avant le concert d’Ultar une série de setlists dédicacées et plastifiées est installée au sol, et indique que le concert sera constitué de 5 titres, pour un show de 40 minutes, on imagine donc la longueur des morceaux ! Après tout, il s’agit bien de post-black metal. De 20h55 à 21h35 c’est une atmosphère radicalement différente que le groupe sibérien Ultar fait régner dans la salle de concert de la Péniche Antipode, avec des titres gravitant tous autour de l’univers de Lovecraft, voyez plutôt la setlist : « Nyarlathotep », « Azathoth », « Father Dagon », « At the Gates » et « Swarm ». Les musiciens sont 5, un chanteur, 2 guitaristes, un bassiste et un batteur. Le chant scream est particulièrement remarquable : aigu, torturé, intense, il donne une grande profondeur aux titres, et est gage d’une ambiance solennelle et dramatique, avec tout un univers évoluant autour de la mythologie de l’auteur culte.
On peut noter que contrairement au concert précédent, il n’y eut aucune prise de parole entre les titres, aucun interlude ne venant interrompre les chansons douloureuses et hallucinées. La tension fut maintenue du début à la fin, plongeant le public dans une transe froide. Une très belle découverte que ce groupe à l’aura plutôt captivante – coup de cœur qui s’est soldé par un achat d’un très joli t-shirt Ultar au stand de merch’, eh oui, on soutient les groupes !

De 22h10 à 22h55 c’est le groupe vraisemblablement le plus attendu par une bonne partie du public, Grima, également originaire de Sibérie qui prend possession de la scène. 4 musiciens l’occupent : un chanteur, un guitariste, un bassiste et un batteur, même si originellement Grima était un duo, constitué de Vilhelm et Morbius, conçu comme un projet studio uniquement. Les musiciens portent tous de longues toges noires déchiquetées et des masques semblables à du bois, leur donnant des allures de créatures forestières, d'arbres vivants, et c’est tout à fait le principe, puisque leur projet porte une visée paganiste claire, se basant sur « la vénération de la forêt primordiale, de son pouvoir et de sa magie, où le Grima est un dieu suprême, un esprit puissant, qui ne protège que ceux qui vivent dans une forêt, et punit tous ceux qui ne respectent pas la nature » – aaah on aurait bien besoin d’un Grima dans la vraie vie !
Mais pour l’heure le Grima musical balance son black metal atmosphérique mélodique tout en rythmes lents, voix déchirante, hurlements viscéraux. L’ambiance dramatique qui émane des passages instrumentaux très atmosphériques évoquent les forces de la nature, les forêts nordiques, les tempêtes et les conditions extrêmes.
Le public est étonnamment calme, face à Grima mais également face aux deux groupes précédents, certes ça headbangue et danse un peu, mais l'atmosphère est plus celle d'une messe païenne que la foire aux circle pits et pogos que l'on peut retrouver face à certains concerts de black, ici on a une foule captivée et en communion, et c’est assez plaisant.
Les masques de la tête d’affiche contribuent au décorum et au spectacle, ainsi qu’au concept du groupe ayant pour vocation d’incarner un esprit primitif, mais je trouve que ça nuit forcément à l'expressivité des musiciens, et je finis par trouver le set un peu répétitif, même si assez obsédant, du fait de ne voir aucun visage, seulement des silhouettes costumées. Les samples renforcent l'atmosphère froide, nordique, éprouvante et purifiante à la fois.

Le public a l’air encore soufflé quand le set se termine, il faut dire que la soirée fut riche en émotions sonores et en influences variées ! Merci à Bloody Tyrant, Ultar et Grima pour ce beau moment musical, ainsi qu’à la Péniche Antipode et à Asgaardian Events pour l’accréditation.
 
Critique : Elise Diederich
Date : 21/7/2022
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