Chronique

BRUJERIA - ESTO ES BRUJERIA / Nuclear Blast 2023

Brujeria est certainement le « super groupe » ayant le plus long temps d’activité de l’histoire de la musique, tous genres confondus. Crée il y a 34 ans par Dino Cazares (Fear Factory), Bill Gould (Faith No More) Juan Brujo et Jello Biaffra (qu’on ne présente plus merci) , le groupe a été bien sûr remanié depuis, accueillant foultitude d’autres stars de la grande famille du Death Metal autour de Juan Brujo (seul vrai point fixe de l’aventure). On a ainsi vu défiler entre autres people, des membres de Carcass, de la famille Cavalera, de Paradise Lost ou de Napalm Death, ainsi que des stars du petit écran (Pat Hord en plus de chanter pour le groupe est commentateur de catch) ou aussi Jessica Pimentel derrière un des (nombreux) micros, vue précédemment dans « Orange is the new black ». Tout ce petit monde bien sûr participe au collectif sous des pseudonymes dignes de gangsters mexicains, et se produisent masqués, sinon ce ne serait pas drôle. Dans le genre « All star band » on est pas loin d’un best off de l’histoire du Death/Grind sur le mode Narcocorrido (les Narcorridos sont des chansons mexicaines faisant l’apologie des barons de la drogue, un truc vraiment typique qui fait office de Folk locale dans la région du Sinaloa, principalement, depuis les années 1930), le tout donc est donc servi dans un dialecte mexicain qui donne une couleur totalement savoureuse et démontre depuis plus de 30 ans que l’anglais n’est pas la seule langue du Metal, loin s’en faut…

Qu’en est il donc de ce 8ème album des sorciers masqués ? On est dans le très lourd et on sent bien que derrière les instruments, on a des musiciens solides au service certes du concept : narcotrafiquants/Grindcore/satanistes qui fait partie du décor du groupe depuis le début, et donne donc aux paroles une singularité évidente, mais surtout au service d’un Metal Punk sans concession. On citera entre autres « Bruja Encabronada » ou « Mexorcista » dans les imparables moments festifs (bien païenne la fiesta, soyons clairs). Le fait qu’en moyenne, trois timbres différents se partagent le micro donne une vrai intensité au propos. Le fait de parler espagnol est un plus parce que oui c’est souvent drôle, décalé, intense, excessif et dans l’ensemble plutôt bien écrit par rapport à l’idée de départ (on relativise donc, c’est pas du Cervantes). L’idée de départ étant pour les cancres du dernier rang : envisager le Metal à travers le filtre de tous ses clichés et le Mexique également, en les prenant à bras le corps dans un premier degré fascinant de justesse.

Au niveau musical, si vous aimez le Punk Death vous serez ravi : « Covid-666 » n’aurait pas été renié par Jello Biaffra, même s’il a quitté la formation au tout début de l’aventure. Les interventions de cuivre en mode mariachi de l’enfer, sur « Esto es Brujeria », la première chanson, plante un décor absolument parfait. L’intro façon débat radio dénonçant les méfaits de la musique subversive est une petite merveille de 666ème degré. Le tout se balade entre Screamcore, Black Death hyper rapide, Doom lent et boueux et au final c’est totalement riche et nuancé dans le genre dark extrême. On a même un hommage à JJ Cale à travers l’extrêmement bien foutue reprise de Cocaïne évidemment réécrite en mexicain (oui le mexicain est aussi proche du castillan que le québécois du français, pour les non linguistes d’entre nous, donc la couleur dialectale est vraiment un plus) et qui semble tellement naturelle dans l’ensemble qu’on se demande juste pourquoi ils ne l’avaient pas faite avant….

Si vous n’en achetez qu’un prenez celui-ci, il y a tout ce qu’on attend du groupe et même tout ce à quoi on n’aurait pas osé penser. Le Death mexicain ça devrait être obligatoire à l’école, ça motiverait vraiment les mômes à apprendre des langues vivantes et dans le genre Metal extrême, dîtes-vous que l’exercice de style a vraiment des airs de best off qui font que oui, on pense à Cream… si Baker, Clapton et Bruce étaient nés dans un faubourg de Juajez avec une seringue dans chaque bras à coté d’un cimetière géré par des zombis… Rien que ça.

Note : 66/66
 
Critique : Thomas Enault
Note : 10/10
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