Interview

LOFOFORA (2014) - Reuno (chant)

Salle Cargo de Nuit, Arles (Bouches-du-Rhône), 7 Novembre 2014.
Rendez-vous avec Reuno de Lofofora 2h avant le set.



Voici certainement l'interview la plus étrange, la plus difficile et, à m'écouter sur les trente premières minutes de l'enregistrement, la plus catastrophique de l'univers. Certainement parce qu'il s'agit d'une rencontre entre le fan, cadre employé modèle, et le frontman d'un groupe engagé, style qu'on accorde à la gauche/extrême-gauche. Mais passé le flot de clichés, et mes propres appréhensions, j'ai fais la rencontre du Reuno, tel qu'on l'imagine, mais que je remercie pour s'être ouvert et s'être laissé allé au fil de la discussion. Il faudra cependant remasteriser, mettre de la narration, ajouter un lot de [...] pour marquer des ellipses, re-écrire certains propos subversifs des deux côtés, pour arriver enfin à vous délivrer quelque chose qui, je l'espère, mérite de prendre du temps pour l'écrire.

Pour commencer cet entretient, rien de mieux que Lionel, notre président, pour briser la glace et me conforter dans l'idée que le plan que j'avais griffonné était bon pour les oubliettes...

LOFO ET LE SUD-EST, TOUT UNE HISTOIRE (ou pas!)
Lionel : J'ai vu que tu as posté cette photo des loges sur le site. Qu'est-ce que ça fait de voir un endroit où on peut encore tagguer sur les murs ?

Lien vers la photo des loges :
https://www.facebook.com/Lofofora/photos/a.10150298411648279.356135.10296943278/10152787216418279/?type=1&theater

Reuno : Je me dis que les mecs s'expriment pas assez dans leur groupe pour marquer des conneries pareilles sur les murs. Je me dis qu'ils feraient mieux de s'appliquer à écrire des paroles. Ils font tous des dessins dégueulasses. Y'avait pas trop de bite sur les murs quand même, contrairement à beaucoup de loges. Très peu d'insanités, mais juste du tout et n'importe quoi.


Nous transitons avec une maladresse incroyable sur la politique du Cargo, et sa fermeture au genre rock et métal pour enchaîner sur un sujet qui a déchaîné les passions...

Reuno : C'est un peu toute la région PACA qui aime pas le rock quand même

Lionel : Pourtant à Marseille, il y a un très grosse scène...

Reuno : Aaaaarrêtes, nous on nous demandais sur le facebook de Lofo quand est-ce que vous venez jouer à Marseille, et puis je regarde la programmation sur ce qu'il s'y joue. Alors, y'a Machine Head quand même qui joue à l'Espace Julien. Mais alors pour le reste t'as I AM, original, Mireille Mathieu, Kamini, Manau, t'as plein de merde comme ça. Non mais y'as pas de Rock quoi ! A partir de Nîmes, enfin y'a la Paloma à Nîmes qui va peut-être changer un peu les mentalités, mais après Nîmes jusqu'à la frontière Italienne, y'a pas de scène Rock. C'est quand même plus des régions de boîtes de nuit, que de concert rock, faut bien dire ce qui est.

Avec un vice non-dissimulé, je tente de lui balancer que s'il n'y a pas de Rock dans le sud-est, c'est parce qu'il y a de l'immigration à Marseille et à Nice. Ce à quoi Reuno répondra par un cours d'histoire sur les différences culturelles et historiques entre les deux villes. Arroseur arrosé dirait Lionel. Et effectivement, là où Massilia a préservé son statut de melting-port, Nice, prise à l'Italie il n'y a pas si longtemps que ça, est restée "une ville de bourges et de réac, voir une ville de facho, j'ai pas honte de le dire". Ayant vécu dans cette contrée, Reuno en profite pour parler de son chez lui à Montreuil, ville record de l'immigration qui a pour particulier de ne posséder aucune liste FN, et d'accueillir des concerts en tout genre, y compris de rock et de métal.

ET SI ON DONNAIT DES NOTES ?
Avoir quoi enchaîner ? En vrac et avec beaucoup d'humour, "plus tu vas à l'Est, plus ça pu", pas moyen d'envoyer Lofo en Russie car ils aiment pas les guitaristes noirs, l'île de la réunion c'est pas le paradis, les tournées aux Québec c'est chouette... jusqu'à ce que Lionel lâche que j'ai mis 10/10 à l'album... effet big bang complètement imprévisible !

Reuno : "Moi j'ai une question à de poser alors. Qu'est-ce que c'est ce syndrome de vouloir mettre des notes sur un disque ? Non mais je sais que c'est pas vous, tout le monde le fait. Mais je comprend pas, parce que personnellement si j'ai fais du Rock, c'est pour plus aller à l'école quoi, pour ne plus être noté. Et tu te retrouves noté par des mecs, que tu te demandes c'est quoi leur soucis quoi. Comme Pitchfork, un des plus gros site de musique, pareil ils filent des notes et genre ça te brise ta carrière ou ça te lance. Et je trouve ça assez aberrant.

Tu vois des fois je lis Beaux Arts et Ils mettent pas des notes aux tableaux, ni aux expositions.

De cliché en cliché, comme celui du musicien frustré qui "branle sa haine" de "façon indécente" sur des colonnes de chroniques, on en vient à refaire le monde et à brainstorm comme si nous allions sortir un nouveau webzine, et pourquoi pas la version moderne de Rage, une revue que le groupe appréciait il y a 15-20 piges. Dans ce flot d'inepties, s'est glissée une petite pépite.

Lionel : on pourrait faire un facebook façon musique...
Reuno : Non parce qu'il y a pas j'aime pas facebook. Si t'aimes pas tu fermes ta gueule. Ca aussi, je suis pas d'accord.


ET SI ON LA FAISAIT, CETTE INTERVIEW ?
PARLONS DE L'EPREUVE DU CONTRAIRE !

STOP les conneries, redevenons sérieux 2 minutes pour tout de même sortir une interview qui parle de la musique.... Parlons de "L'Epreuve du contraire", ce que le public renvoi, ce que l'artiste peut me dire.

Reuno : J'ai été vachement content de toutes les chroniques et les retours qu'on a des quidam moyen via facebook ou même des messages privés qu'on reçoit encore pas mal via note site. [...]Je cherchais presque la mauvaise chronique tellement il n'y en a eu quasiment que des bonnes. Donc c'est un peu flatteur.

[...]Et puis ça fait plaisir de se rendre compte qu'au fil du temps, entre ce que tu as dans la tête avant de faire un album, c'est à dire à écrire, répéter avec les copains, et le moment où c'est fini, c'est mixé, c'est masterisé, il y a de moins en moins d'écart. Il n'y a plus beaucoup d'espace entre ce qu'on a envie de faire et ce qu'on arrive à faire.

Weska: T'aurais pris des cours de management, t'aurais su maîtriser les étapes d'un projet bien plus tôt.

Reuno : Bah ouais, on est comme ça, on est des auto-didactes. Et puis je pense que ça aurait manqué de rock'n roll. [...] Si tu veux en faisant ça, je ferais plus du marketing que de la création artistique. Je ne fais pas une étude de marché pour savoir ce qu'est la demande. Je donne pas à notre public ce qu'il nous demande. Nous on fait ce qu'on aime, déjà. Si ça plaît tant mieux, si ça plaît pas c'est dommage. Ca nous fait chier, mais c'est comme ça que ça marche Lofo. C'est seulement au moment où on mixe qu'on se dit "ah ça, ils devraient kiffer", "ah ça, ils vont trouver ça bizarre". Mais avant, on a trop la tête dedans, c'est trop le truc qu'on est entrain de faire on a pas la vision du produit fini qu'on va montrer à notre public.

Weska : Qu'est-ce qui pourrait être bizarre justement dans l'épreuve du contraire?

Reuno : Un truc bizarre, c'est comment j'ai chanté sur un titre comme Transmission par exemple, qui est plutôt une des plus tranquilles qu'on ait faite. Dès que Daniel notre guitariste a composé le squelette de cette chanson, j'ai eu une mélodie de voix dans l'oreille et je me suis dis je peux pas chanter comme ça c'est pas possible. Et puis je l'ai fais, parce qu'au bout d'un moment tu te rends compte qu'il y a rien d'autres qui te vient et que c'est tellement naturel de chanter de cette manière là. Puis, quand j'ai fais mon essai à la maison sur carte son et que j'ai envoyé ça par mail aux copains, je me suis dis ils vont me le jeter à la gueule quoi. Mais Daniel m'a dit : "c'est génial, c'est terrible. C'est étonnant, mais c'est terrible." Bon bah ca voilà, ça me fait plaisir.

Et puis je me demandais où j'avais pu prendre cette influence de chant comme ça... y'a pas si longtemps que ça, je faisais mes courses au supermarché, y'avait un morceau de Jacques Dutronc qui passait, "Le petit jardin" je crois. Et je me suis dis, voilà, c'est comme ça que j'ai chanté sur ce morceau là. Les écarts (il vocalise un coup, ndr) C'est un peu un truc qui vient du jazz. Un peu crooner, un peu différent.

Comme Phil m'a dit lors de la fin du précédent album "Avec Lofo, on a inventé une formule inépuisable". Et ce qu'il voulait dire par là, c'est qu'on peut tout se permettre avec ce groupe. Si demain, on veut faire un album de death metal on le fera, si on a de faire du punk '77 on le fera, si on a envie de faire un album acoustique, on pourrait le faire aussi, et ça restera du Lofo quand même. Et ça c'est plutôt, un luxe je sais pas, mais comme une chance qu'on s'est donné.

Weska : Vous vous êtes un peu tout permis sur l'Epreuve du contraire avec cette variété de son et d'ambiance, sur laquelle j'y trouve quelque, presque un effort de synthèse de ce que vous avez fait auparavant sur Peuh, Dur comme fer, et les albums qui ont suivi, qu'on avait pas entrevue sur aucun d'entre eux. Finalement, Lofofora est devenu très bon dans chacun des styles qu'il a acquis.

Reuno : Je sais pas peut-être, c'est gentil en tout cas. Rien que d'y avoir pensé c'est gentil en tout cas. On aime plein de truc, on peut pas s'enfermer dans un stéréotype, et puis il y a déjà tellement de gens qui le font, c'est pas intéressant. [...] Notre équipe technique a eu un peu la même réaction, lors d'une de nos premières dates l'été dernier, quand dans le camion on leur a fait écouter les premiers mix. Même notre label qui nous supporte, dans les deux sens du terme, a eu la même réaction.

Weska : En fait, mais je me dis que tu peux mourir, nous avons déjà le meilleur de Lofofora.

Reuno : (rires) C'est bien. Ah, non c'est bien. Vaut mieux avoir ses affaires de prêtes on sait jamais. Vaut mieux avoir les fesses propres.

ETRE HUMAIN, C'EST DEJA BIEN
Parmi le meilleur de Lofofora, il y a l'album mémoire de singe qui va être le sujet d'un retour à l'improvisation, ce qui a permis par hasard d'extraire quelques informations relatives à l'inspiration de Reuno pour les textes.... On dérive ainsi sur la chanson "Tricolore" sur laquelle il vomi sur le drapeau bleu blanc rouge et la marseillaise. Un choc terrible pour un mec comme moi qui la chante avec 2g de rhum dans le sang....

Weska : Les façons dont tu as écris les paroles m'ont choqué, mais avec du recul, je pense qu'il y a une idée plus simple loin de la politique, tu ne t'attaque pas au sens premier du texte...

Reuno : Mais à l'appropriation. Ouais déjà, avoir besoin de se regrouper sous un drapeau euh... sous une identité... Moi franchement être humain sur la planète terre ça me suffit pour me situer. J'ai pas besoin de tout ça.

Weska : Tu ne ressens donc pas ce besoin d'appartenir à quelque chose ?

Reuno : Bah si, appartenir à l'humanité, c'est déjà bien non ? Ca me suffit largement. Je préfère appartenir à une idée large qu'à un cercle très fermé, à un endroit où je suis susceptible de trouver des gens bien différents de moi-même. Plutôt que de se regrouper entre mec tous d'accord.

Weska : Ce côté universel se retrouve d'ailleurs dans tes paroles où tu abordes des idées bien générales sur notre monde moderne. Et je me demande justement dans quoi tu puises ton inspiration pour ça. Est-ce que tu arrives à sortir des généralités à partir par exemple d'évènements sociaux ou politique à grande échelle. Qu'est-ce qui va succiter chez toi cette envie de râler de...

Reuno : ...de pointer certaines choses du doigt. C'est différents aspects d'un même sentiment, cela peut venir d'un sentiment personnel, un évènement particulier de ma vie, peut-être même privée, dans ma façon de me retrouver bloqué face à un obstacle dans ma réflexion... et puis en parallèle de trouver un truc politique ou un truc que je vais voir dans la rue, un comportement, qui porte les même trait, mais sous une autre forme et c'est un peu là où toutes ces idées vont se croiser.

Une chanson comme le malheur des autres, que j'aime vraiment bien, c'est de remarquer que quand quelqu'un que tu connais, vient t'annoncer qu'un tel est mort ou qu'un tel est vachement malade ou quoi, et même si le mec prend un air attristé en te disant ça, tu sens une espèce de jubilation du scoop, de dire un truc important, quelque chose qui a du contenu, une jubilation malsaine que peuvent avoir les gens quand ils annoncent une mauvaise nouvelle. Puis, c'est aussi quand t'es sur le périph, y'a un putain d'embouteillage et tu te rends compte que c'est parce ce qu'il y a un accident sur la file dans l'autre sens et que tout le monde freine parce qu'il y a des gens par terre, parce qu'il y a peut-être du sang à voir, et donc c'est vachement bien. Les gens ça leur rempli leur petite vie de merde et euh... ca fait méprisant que je parle comme ça quand même !

Mais en même temps, le Dalai Lama dit qu'il a pas de mal à penser au malheur des autres pour te sentir un petit peu mieux. Si ça peut t'aider, comme je le dis dans la chanson "Je ne fais que regarder, je ne leur fait pas de tord, si ça peut m'éviter de me lamenter sur mon sort". Et dans ces cas là, c'est pas forcément malsain si tu veux, de te dire que finalement, il faut que j'arrête de me plaindre de ma condition parce qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont pas du tout la même qualité de vie que moi. Donc dans cette dimension là, ce n'est pas quelque chose de malsain. Mais ça peut le devenir, comme beaucoup de sentiments humains quand ils ne sont pas assumés. Ce genre de mélange d'idée marche pour ce texte, mais marche aussi pour plein d'autres.

Weska : A la façon dont tu en parle, tu es donc plus orienté sur la liaison entre les détails du quotidien plutôt que focalisé sur l'actualité, la politique etc...

Reuno : Pas toujours... par exemple un morceau comme "La tsarine", qui est très premier degré, m'est venu après les dernières élections municipales. Parce qu'il y avait un truc, il fallait que ça sorte. Parce qu'on est d'accord, je ne fais pas que des chansons pour éveiller les consciences hein, j'en fais aussi pour me défouler, ça m'évite d'attraper quelqu'un au hasard dans la rue et de lui en coller une.

Y'en a qui disent qu'elle est moins pire, mais c'est le contraire,
Elle a un sourire de vampire, c'est tout le portrait d'son père
Elle est la tsarine de l'empire, lui c'était l'führer
Ils font le commerce de la peur, et de la rumeur. Meurs, Meurs, Meurs !


sinon, il y a une explication plus... personnelle...

Reuno : Cette chanson elle dit juste fermes ta gueule quoi, fermes ta gueule Marine, on a pas besoin de gens comme toi ici. C'est juste ça. Ca se veut pas intelligent. Mais quand t'as des gens qui portent des idées nationalistes, qui sont tellement dans une vision du monde qui date d'il y a bientôt un siècle que je me dis mais les mecs vous avez pas compris ! C'est comme les hippies aujourd'hui quoi, ! Ca n'a pas marché, faut faire autre chose. Et bien c'est pareil, le national-socialisme, on sait à quoi ça mène, est-ce que vraiment les gens ont envie de ça aujourd'hui ? Je sais pas, peut-être, certains... il faut qu'ils regardent ARTE un petit peu de temps en temps.

LE PUBLIC LOFOFORA
Inspiré par une interview, et par des remarques de Lionel, on commencer à parler du public de Lofofora. On était en effet assez surpris de voir du punk, du mec normal, de la "greluche" à jupe courte, du quinquagénaire, du metalleux aux cheveux longs. Bref, Il fallait qu'on en parle.

Reuno : Au début de Lofo, j'avais la fierté de ne pas avoir un public de clone, de voir des gens de cultures musicales différentes venir à nos concerts. Je me suis dis il va falloir cultiver ça. Parce que j'aime pas les concerts où tous les gens arrivent habillés pareil, je trouve ça hyper flippant. C'est tout ce que je déteste, l'uniformisation.

Weska (regard vers Lionel) : C'est pour ça qu'il aime pas le métal chuis sûr !

Reuno : Bah c'est vrai, c'est pour ça que je suis pas métalleux du tout. Voilà, quand ils sont tous habillés en noir, à secouer la tête dans le même sens, bah à un moment tu fais OK, "Gooble goble, accept we accept one of us". TU ES L'UN DES NOTRE.

Cette référence raté (ahah!) à la chanson "Gooble Goble, We accept her, One of us" du film Freaks, 1932, est encore une énigme pour moi. Va comprendre...

LE MUSIC BUSINESS
Grâce à une transition qui restera dans l'oubli, on apprend que Lofofora est classé "Chanson française" dans les FNAC. Une première marche à l'étrier qui nous conduira à parler de business, de gros sous, d'escort-girl et de champagne.

Reuno : Ah oui, oui, je crois qu'on est dans les bacs entre Marc Lavoine et je sais pas qui... de Lori surement.

Et il est vrai que le rayon métal a considérablement été réduit, voir a disparu de certaines grandes surfaces culturelles là où il avait connu un certains essors il y a une dizaine d'année.

Reuno : Ils préfèrent ce qui se vendent, plutôt que se faire chier à commande 50 artistes avec un ou deux exemplaires de chaque disque. Ils préfèrent t'acheter 200, 500 copies de Mylène Farmer et au moins ça, ça va partir. Ou la bande à Renaud, ou génération Goldman, tout ses trucs qui puent l'sapin là.

Lionel : "C'est pas les papi pouilleux qui étaient sur scène récemment, Johnny, Eddy Mitchel, un truc comme ça ?"

Reuno : Ah les veilles canailles ? En même temps, moi j'adore vraiment Dutronc et Eddy Michel. C'est vraiment des mecs que j'aime bien.

Fail, comme on dit. Mais là où Lionel veut en venir, c'est que les Labels de ses gens là poussent au cul pour sortir des compils, des albums lives, des best of, et Reuno abonde en ce sens
Reuno : Enfin, voit tout ce qu'il sort comme disque. Quand tu retires tous les disques de duos, les disques de reprises, et autres, il reste plus rien. Côté création originale, il n'y a pas grand chose.

Lionel : D'ailleurs en parlant de ça, at(h)ome votre label, qu'est-ce qu'il vous impose ? Vous êtes libre ?

Reuno : Ah oui complètement, quand je disais qu'il nous supporte c'était vraiment dans tous les sens. Ca fait deux albums qu'on leur dit bon bah on veut enregistrer dans tel studio, telle période avec tel mec. Ils font OK et ils réservent tout alors qu'on leur a juste fait écouter 3 morceaux instru enregistré avec deux micros par terre dans le local. Ils ont vu 3 bouts de textes sur mes carnets et ils disent OK. C'est pas comme certains labels ou certains groupes où tant qu'il y a pas un single, on t'envoi pas en studio. C'est pas du tout le cas avec ces gens là, on est dans une autre sphère, et tant mieux.

Weska : En même temps le label sait qu'avec votre renommé, l'album va se vendre non ?

Reuno : Bah tu sais, Monstre Ordinaire l'avant-dernier album, est peut-être monté à 7000 exemplaires, c'est pas un truc de ouf.

Lionel : Donc vous vivez principalement de la scène.
Reuno : Oui bien sûr. On fait quelque chose comme je sais pas, 80 dates dans l'année un truc comme ça.

Lionel : Vous êtes tous intermittent ?
Reuno : Ouais, enfin là moi plus depuis quelques mois. Ca fait 6 mois que j'ai plus rien qui rentre, j'ai bouffé toutes mes économies. Je crois que là, avec toutes les heures que j'ai effectué au mois d'octobre, je vais avoir droit de nouveau à mon statut.

Pendant que Reuno et Lionel font rentre dans la technique, j'en reviens encore une fois à penser que le music business est tellement pourri que la survie est difficile pour tous. Du petit groupe comme Arcania à Gojira qui est le porte étendard du metal français à l'étranger, c'est une véritable vie d'artiste que ces gens là mènent, faite de brics et de brocs, la rançon de la liberté artistique dira-t-on. Pour Lofofora qui chante en français, c'est un miracle que le groupe tienne encore debout 25 ans plus tard. Alors c'est forcément sujet à question.

Reuno : En fait on vie comme à peine plus que des smicards depuis un moment. Avant de commencer Lofo, je bossais dans des radios et je gagnais 10,000 francs soit quasiment autant que ce que je touche aujourd'hui. Et c'était il y a plus de 20 piges quand même. C'est pas mal (rires). La différence, c'est que personne ne m'appui sur la nuque en me disant : "tu es ma chose".

Impossible de dire qui de Lionel ou de moi a dit "Si, sa femme" à quoi on a eu droit à "Non, enfin si, mais c'est pour jouer". Une occasion en hors de parler perso...

LA FAMILLE REUNO
Reuno : J'ai deux filles, une très grande, une toute petite.

Weska : Et tu leur a donné une éducation musicale ou t'as laissé complètement libre arbitre ?

Reuno : Quand ma grande était petite, je lui acheté des trucs genre Spice Girls, Britney Spears, toutes ces merdes là. (Ah t'as succombé !) Evidemment, mais au bout d'un moment elle m'a dit, Papa je peux plus écouter toutes ces merdes et aujourd'hui ma fille, elle est fan de AC/DC, elle adore les Stones, elle aime bien Elvis aussi. Elle est plutôt Old School dans ses goûts rock. Et j'ai une toute petite, un petit bébé en fait, qui commence déjà à chanter et qui aime la musique Soul, et moi aussi ça tombe bien.
Et oui, la vrai musique, c'est la musique noire. Nous on fait du tam tam, on fait des conneries c'est tout (rires).

tags : interview, Reuno, Lofofora
 
Critique : Weska
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