Interview

LIZZARD (2021) - Groupe complet

Lizzard est un groupe totalement inclassable. Leur musique évolue entre rock progressif à la King Crimson, musique répétitive chère à Steve Reich, metal torturé à la Tool et pop. Avec leur nouvel album « Eroded » ils frappent très fort. Les Limougeauds nous offrent, en effet, avec ce disque une aventure musicale extrêmement riche. Entretien.

« Comment avez-vous pensé le nouvel album par rapport à « Shift » ? »

« Nous ne l’avons pas pensé du tout. Nous l’avons composé par rapport à ce que l’on sentait sur le moment. On a fait le tri par rapport aux idées qui nous venaient. Nous avons essayé par le passé de mettre des lignes directrices mais ça ne marche pas car nous sommes instinctifs. Nous faisons de la musique car nous en avons besoin. Même si le business de la musique s’arrêtait nous continuerions. »

« Est-ce que l’épidémie du Covid-19 a changé quelque chose dans la production du disque ? »

« Non cela n’a rien changé. Contrairement à de nombreux groupes, nous sommes en marge et ne fonctionnons pas de manière planifiée. L’année 2020, pandémie ou pas aurait été pareil pour nous. Au moment du premier confinement nous étions en plein mix, au moment du second en prépa de la promo. Au niveau créatif, la pandémie n’a eu aucune influence sur nous. Pour certains groupes cela a été dur, pas pour Lizzard. Même s’il n’y a pas de tournée, l’album est sorti. Je compose déjà pour le prochain. Ce qui est sûr avec ce groupe, c’est que l’on ne composera jamais par obligation. »

« Vous êtes de Limoges. Il y a une belle scène là-bas. »

« Il y a une scène metal qui perdure. A une époque les groupes metal débutaient leur tournée par Limoges pour tester leurs sets. A l’époque où l’on a commencé, la scène musicale était un peu moins vivace que par le passé. Il y a de moins en moins de structure, malheureusement aujourd’hui. Par ailleurs, nous nous sommes retrouvés à Limoges complètement par hasard. »

« Ce qui est intéressant avec votre musique c’est qu’elle est à la fois accessible et complexe. »

« C’est le but. Cela fait plaisir que tu dises cela. On veut faire des choses que l’on puisse chanter. C’est le but ultime. La complexité arrive quand on aborde le côté émotionnel de la musique. Nous composons de cette manière, pour atteindre cette émotion. »

« Tu parles du côté chantant. C’est pour cela qu’il y a un côté pop chez Lizzard ? »

« Oui nous avons cet aspect pop, incontestablement. Le classique couplet/refrain, couplet/refrain. Sur « Shift » il y avait également des titres pop. Cela nous fait plaisir d’avoir des morceaux accrocheurs. »

« Vous m’apparaissez comme le chainon manquant entre King Crimson et Tool. »

« C’est gentil. King Crimson c’est une musique très compliquée. Tool c’est assez sombre. Soit tu aimes, soit tu détestes. C’est vrai qu’il y a dans notre musique à la fois des passages compliquées à la King Crimson et d’autres sombres à la Tool. »

« Est-ce que les musiciens répétitifs comme Steve Reich continuent de vous influencer ? »

« J’aurai cette influence toute ma vie. J’ai étudié ces musiciens. Je viens du jazz, suis un passionné de musique. Ma formation jazz ressort de façon inconsciente dans ce que je fais. Je ne me dis jamais tiens là je fais un truc à la Steve Reich. On a d’ailleurs sans doute trop intellectualisé la musique de Lizzard. »

« Vous parliez au moment de « Shift » d’une prise de conscience, notamment écologique. Elle n’a apparemment pas eu lieu. »

« Même si nous essayons de faire passer des messages, nous ne nous prenons pas au sérieux. « Eroded » a été enregistré en Octobre 2019 et parle de ce qui se passe maintenant, sous nos yeux. Nous sommes des gens sensibles, voyons la logique des choses. Tout ce qui se déroule aujourd’hui était déjà en prémisse depuis longtemps. Maintenant, c’est simplement devenu plus flagrant. »

« Vous avez passé de longues semaines dans un studio en Allemagne pour enregistrer ce disque. »

« Oui dans un studio qui se situe le long de l’autoroute entre Dresde et Prague. Il se trouve à 10 kilomètres de l’autoroute et c’est déjà la campagne. Ce studio est comme une petite communauté, un petit village qui vit en autarcie. Autour tu as de nombreux marqueurs de l’Histoire. On avait déjà fait « Shift » là-bas. On a passé des mois dans ce studio, comme dans une bulle. 80% de l’album était écrit lorsque nous sommes arrivés. Nous avons laissé une part d’impro pour les guitares. »

« L’album est sorti le 19 Février. Vous ne savez pas si vous pourrez ensuite partir en tournée ? »

« Non on ne sait pas. On ne sait rien du tout. C’est comme ça. Il faut se préparer pour la rentrée et rester créatifs. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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