Interview

GAEREA (2022) - Chanteur (Anonyme)

Nouvelle sensation de la scène black avec leur album « Limbo » sorti en 2020 les Portugais de Gaerea récidivent avec un splendide « Mirage ». Violente et émotionnelle à la fois la musique du combo s’avère d’une très grande beauté. On a pu rencontrer le chanteur du groupe lors de l’escale à Paris de leur tournée commune avec Saor et Gaahls Wyrd.

« Il y a eu une certaine hype autour du groupe après la sortie de « Limbo ». Est-ce que cela vous a mis une certaine pression pour l’enregistrement du nouvel album, « Mirage » ?


« Non, aucunement. A cause du Covid nous n’avons pas pu tourner autant que nous l’aurions souhaité pour « Limbo ». Nous avons quand même donné des concerts pour ce disque, notamment dans notre pays au Portugal et joué dans des festivals. Nous avons été déçus de ne pas pouvoir tourner plus pour cet album mais nous le pouvons aujourd’hui et nous en sommes très heureux. Nous n’avons ressenti aucune pression pour « Mirage ». Par ailleurs, on ne fait pas vraiment attention aux critiques. »

« Mirage » est un disque plus compact que « Limbo » avec des morceaux plus courts. »

« Nous n’y avions pas pensé consciemment. Sur « Limbo » il y a deux titres ultra importants : celui qui ouvre l’album et celui qui le conclut. J’adore ces morceaux et j’aimerais les jouer live tous les soirs mais ce n’est pas possible car nous avons un set de quarante minutes et celui-ci ne pourrait intégrer deux morceaux qui couvriraient la moitié du set. Il y a des morceaux sur « Mirage » très direct comme « Deluge » ou « Mantle » avec des chorus et une atmosphère qui fonctionne bien pour le live. »

« Les thématiques de l’album sont la peur, la solitude, la souffrance. »

« C’est dans la continuité de « Limbo » à ce niveau. Le Covid nous a appris à vivre seuls. Dans « Mirage » nous exprimons une certaine beauté de la solitude. Seul tu prends le temps de lire des livres, de ressentir tes émotions. Le monde est tellement connecté que cela amène souvent à la dépression. Il est important de savoir vivre seul, de partir deux semaines se promener dans les montagnes par exemple. »

« Est-ce parce que vous êtes portugais que vous développez ces thèmes et pas ceux habituellement développés dans le black comme l’occultisme, l’anti-christianisme ? »

« Je ne pense pas que cela vienne du pays d’où tu viens. Des groupes comme Der Weg Einer Freiheit ou Céleste chez vous pensent comme nous. Il y avait un sens à écrire sur les religions dans les années 90 mais cela n’a plus guère de sens aujourd’hui. Nous vivons dans un monde nouveau où la solitude, la dépression sont des thèmes importants sur lesquels on se doit d’écrire. Nous nous intéressons à l’individu. Cette nouvelle génération doit écrire sur des choses nouvelles. »

« Cette nouvelle génération est aussi différente dans son approche musicale du black. »

« Il est important d’avoir un son dévastateur mais pas que. La technologie nous aide, nous l’avons créer pour cela. Nous incorporons des éléments qui ne sont pas que black ou metal dans notre musique. Dans notre tour-bus nous écoutons peu de metal à vrai dire. Le black-metal est une niche et il est important d’explorer plein de choses différentes. C’est le genre, dans le metal où tu peux te permettre le plus, comme d’écrire une ballade puis un morceau d’une grande brutalité. »

« A ce propos votre musique est très émotionnelle. »

« C’est ce qui importe le plus. Cela n’aurait pas d’intérêt d’écrire les morceaux les plus brutaux et les plus rapides. Tout est émotion. Le black en lui-même l’est. C’est en tout cas ce que je pense. Ce ne doit pas être du blast tout le temps. C’est important de créer des espaces pour que ta musique respire. »

« Le producteur de vos trois albums Miguel Tereso vient plutôt de la scène death-metal. »

« C’est vrai. On l’a découvert car il avait travaillé avec un groupe avec lequel nous sommes amis. Il n’a pas besoin d’avoir un studio branché pour faire du super bon travail. Son studio est situé dans un petit village au centre du Portugal, au milieu de rien. Nous aimons travailler avec lui car il est exigeant et nous le sommes aussi. Il a toujours de nouvelles idées. Il veut grandir avec nous, nous voulons grandir avec lui »

« Est-ce que Moonspell a ouvert la voie pour les autres groupes metal portugais ? »

« Nous sommes amis avec eux. Ils sont incroyables. Ils ont ouvert les portes pour les jeunes groupes metal, c’est clair. Ils sont des pionniers et sont toujours là, trente après leurs débuts. Cela impose le respect. Nous aimerions avoir cette trajectoire. Ils ont presque le même line-up depuis leurs débuts, ont fait tellement de sacrifices pour arriver là où ils en sont arrivés. Je ne sais pas si les groupes de ma génération pourraient faire cela, tracer sa route trente ans durant. Quand des gens en Norvège ou en Suède te disent que leur album préféré est « Wolfheart » de Moonspell, un groupe de ton pays quand tu sais que la Norvège a produit Mayhem ou Immortal, c’est très fort. »

« Vous venez de Porto. La scène est intéressante dans cette ville, je crois. »

« Oui, très intéressante. Nous répétons dans un lieu où tu trouves 500 groupes. Quand tu vas à un concert de trois cents personnes tu es presque sûr que quasiment chaque personne dans la salle a un ou deux groupes. Ce qui est dommage c’est que la plupart des formations portugaises ne sacrifient pas assez pour atteindre leurs objectifs. Il y a peu de groupes qui se donnent la possibilité de tourner en Europe. Ok nous sommes tout au Sud de l’Europe mais ce n’est pas une raison. Tu dois commencer devant dix personnes, puis vingt puis trente comme nous l’avons fait et construire ton groupe ainsi, étape par étape. »

« Comment se passe la tournée avec Saor et Gaahls Wyrd ? »

« Super. Nous sommes maintenant dans la seconde partie de la tournée. C’est cool que tous les groupes soient sur le même label, Season of Mist. Nous sommes le combo qui ouvre tous les soirs mais nous voulons offrir un show qui soit du même niveau que celui de la tête d’affiche. »

« Vous allez rejouer très bientôt au France, au Tyran-Fest. »

« J’ai toujours été intrigué par ce festival car ils ont toujours une super affiche. Ce sera notre premier concert après cette tournée. »

« Vous rejouerez en France en tant que tête d’affiche l’an prochain ? »

« Je ne sais pas. On a des plans pour l’année prochaine. On tournera sûrement de nouveau en Europe en 2023. Franchement tourner en tant que tête d’affiche ou pas, je m’en fous. Je veux juste que chaque tournée soit meilleure que la précédente, que l’on joue à chaque fois devant un public plus nombreux dans des salles plus importantes. »
 
Critique : Pierre Arnaud
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