Live Report

BULLET FOR MY VALENTINE - JINJER - ATREYU - L'Olympia - Paris - 31/1/2023

 
nitialement prévue en février 2022, la date du concert comme beaucoup d’autres ces dernières années avait été reportée. L’avalanche en cascade des restrictions sanitaires aura donc fait un mal de chien au monde de la musique avant pendant et même longtemps après les spasmodiques et plus ou moins compréhensibles lockdowns, pour cause d’absence de pensée uniforme et cohérente face à une situation mondiale, à cause d’un mépris crasse pour les enjeux de la culture aussi, mais surtout par manque de connaissance de la réalité de terrain -fin de la micro tribune politico-mondiale digne d’un comptoir dans quelques lignes, promis. Mais pour parler comme un vrai pilier de bistrot une bonne fois, quand on met décisionnaire de l’avenir de la culture une pharmacienne, faut pas s’étonner qu’elle ne s’y connaisse pas plus en réalité de terrain que moi en plomberie, ayant fait littéraire…

Bref si on veut juste parler de ce concert en particulier, initialement prévu « après les plus gros soucis », il aura changé de promoteurs 4 fois, rendant la date quasi-impossible à rentabiliser même à jauge pleine. Comprenez, même si la date a eu lieu, soyons clair, les gens qui ont bossé sur cette date ont pour la plupart, au mieux récupéré ce qu’ils avaient perdu suite au décalage, mais en général… moins. Pour le calcul je vous laisse imaginer ce que représenterait votre salaire si vous le touchiez un an après en voulant rembourser les prêts engagés eux avec intérêt pour compenser la journée perdue, sans augmentation de salaire et en rattrapant ledit « jour chômé » en prenant un congé sans solde… C’est même plus qu’on marche sur la tête c’est qu’on a mis des baskets sur chaque cheveu en espérant battre Hussein Bolt au sprint !

L’Olympia était plein, un jour de grève des transports ; C’est dire si l’affiche était pourtant attractive et désirée. Atreyu, écume avec solidité les premières parties de groupes depuis près de 20 piges, Jinjer est un des groupes les plus attractifs du moment et Bullet for My Valentine, jouait devant son public piaffant d’impatience et prêt à tous les sacrifices (comme par exemple rentrer en grande banlieue à pied grève oblige. Pour refaire mon pilier ce ne sont pas les grévistes qu’il fallait blâmer pour l’inconfort généré mais les décisionnaires qui les avaient contraints à faire grève, ce coup-ci promis j’arrête mais oui, je suis énervé » et ce n’est pas qu’à cause de l’adrénaline que cette affiche a générée même si oui niveau adré, on a bien mangé merci).

Quand il y a trois groupes à l’affiche, en moyenne on va écouter son préféré et on tolère vaguement le reste de l’affiche (si si, on l’a tous déjà fait). Là, le public chantait même pendant les morceaux entre deux plateaux (avaient-ils faim ces bougres). Autant vous dire que l’Olympia s’est fendu d’une ambiance à la fois conviviale électrique et fondamentalement intense du premier titre d’Atreyu (en fait il y avait déjà de l’ambiance avant, pendant que la sono crachait du SOAD ou du Slipknot) jusqu’à la fin du rappel de Bullet. A la sortie, après plus de trois heures dans une lessiveuse, le public de l’Olympia était moulu, mais heureux !

Petite cerise sur le gâteau de cette date il y avait des cameras partout, filmant le set de Bullet fot My Valentine mais aussi les premiers titres de Jinjer, donc avec un peu de chance, quelques images devraient être visibles un jour. Les petits malins vous diront que faute de gagner des sous sur la date les promoteurs voulaient tout miser sur la vente de DVD… Et là on se marre bien fort… Le fan de Metal moyen a beau être passionné et collectionneur, il est tout autant fauché que les autres…

Mais revenons à Atreyu, qui ouvrait les hostilités. Avec le depart d’Alex Varkatzas j’avoue que je craignais un peu le ramollissement pop (bah oui, séquence vieux con, le motto « c’était mieux avant » est toujours une valeur refuge). Et même si ça fonctionne, on sent bien qu’il y aura tout de même un cap à franchir pour que la nouvelle énergie et l’ancien répertoire fonctionnent d’une façon appropriée au changement de paradigme, mention spéciale d’admiration à Brandon Saller qui démontre qu’on peut être un très bon batteur et devenir un très bon frontman (merci à Phil Collins d’avoir ouvert la voie), à Kyle Rosa qui prouve qu’on peut être un batteur exemplaire même quand l’ancien batteur est aussi sur scène (gestion de la pression bonjour) et à Marc McKnight qui aura démontré le temps d’un titre que même sans basse, ça groove plutôt pas mal (Battle Drums a été construit avec des samples, ça lui a permis de se concentrer sur la voix et c’était plutôt très convaincant).

Ensuite histoire de maintenir la pression on a eu droit à Jinjer. Comparativement au reste de l’affiche qui affichait plus de 20 ans sur la route pour chaque zicos, Jinjer est un jeune groupe. Le groupe ukrainien (j’ai dit plus de politique, mais eux non plus n’en ont pas fait alors que personne ne leur en aurait voulu, donc on passe pour cette fois) formé en 2009 (même si de la formation originale il ne reste… personne) fait partie de ces petits évènements dont tout le monde parle sans forcément les avoir vus (un peu comme Ghost à une époque) et votre serviteur va avouer que…. Ben c’était la première fois que j’écoutais ne serait ce qu’une note de ce que le groupe avait à proposer. Et en tant que fan de Periphery (oui on est dans la même famille, clairement) j’ai pris une méchante petite claque derrière les oreilles. J’avais entendu le pire comme le meilleur sur ce groupe et je ne savais pas à quoi m’attendre, voire même j’arrivais avec une réserve assez timide. Pour le coup, malgré des structures pas forcément faciles à intégrer en première écoute et une musique qui cherche beaucoup de choses mais pas la concession, en live tout du moins, je peux comprendre que certains moments vraiment pop soient agaçants sur albums. En live donc, « ça te prend par les tripes et te retourne comme une crêpe » (les lettrés sauront qui je cite, les rustres n’ont qu’à acheter le premier album de Stupeflip). Tatiana Shmayluk a un ambitus vocal de l’ordre du caméléon et tous les membres du groupe évoluent dans la même compétence esthétique passant du prog technique et alambiqué un peu sucré au décadent sombre brutal en un clin d’œil. L’effet de manche peut sembler au premier abord facile, mais justement c’est très technique d’avoir l’air simple avec des mesures impaires (par exemple). Le visuel n’est pas en reste et la combi fluo noire et rose alliée à un light show entre l’ombre et le mystère posent une ambiance vraiment à part sur cette soirée néo-métal canal historique. Soyons clair, j’étais pas du tout venu pour écouter ce genre de musique connaissant très bien et adorant les deux autres groupes, mais là je crois qu’ils m’ont servi la presta la plus intéressante de la soirée. Dont acte.

Ce qui ne veut pas dire que la presta de BFMV était en dessous des espérances de son public, loin de là.

Je ne sais pas si les Gallois sont capables de faire un « mauvais concert », Après le vrai bémol c’est que la machine n’est pas taillée pour surprendre, mais surtout pour embarquer. Alors ça marche, le quatuor démarre fort (et quasi toute cette tournée) avec « Knives, « Over it », « Piece of me » et « Words (to choke upon) » mais après tout l’idée étant de rentrer dans le lard autant miser sur de l’imparable et même si le groupe a largement de quoi flanquer des baffes dix concerts de suite en changeant de morceaux tous les soirs on comprend tout à fait la sécurité qu’implique un show rodé, boulonné et orchestré. En parlant de boulonné, on peut d’ores et déjà nommer l’homme du match, à savoir Jason Bowld aux fûts. Sans la frappe de mule du batteur et sa technique de monstre le groupe ne pourrait pas avoir cette ampleur et développer le mur de son qu’ils nous ont servis. On dit souvent qu’on reconnaît un bon groupe à son batteur, BFMV est un très bon groupe parce que leur batteur est immense. Evidemment c’est Matthew Tuck qui embarque les gens, tout en retenue dans le jeu de scène le plus minimaliste du monde, debout planté derrière son micro, jambes écartées pendant tout le set, indéboulonnable et indispensable statue électrique au service de la musique. Mais l’absence de jeu de scène concerne tout le groupe. Pour mémoire le moment chorégraphique le plus osé c’est quand Michael Padget et Jamie Mathias se plantent face au batteur. C’est le mouvement d’amplitude maximum, vraiment, pas plus. On dira ce qu’on voudra, on n’est pas là pour les voir bouger mais bien pour les voir jouer, mais vraiment, c’est pas du Béjart… Mais ça marche. Le light show est aussi sobre que leurs déplacements, des rangées de projecteur en ligne derrière et des couleurs allant du bleu au rouge en passant par beaucoup de jaune. L’ensemble est super minimaliste, pas de chichi, juste du rock, ambiance « branche-toi, défonce tout, et rentre chez toi ». Dit comme ça, on pourrait penser que c’est court, mais dans les faits c’est imparable et tellement sans fard que ça en dit long sur ce que les 4 musiciens proposent. Leur musique façon coup de poing et rien d’autre. Et ça se déroule dans une ambiance de franche camaraderie énergique jusqu’au rappel lui aussi prévisible puisque quasi idem tous les soirs avec « Waking the Demon » en très gros finish. Mais vraiment très gros par contre.

C’est sur un totalement mignon « Get home safe, we fucking love you » (« Rentrez bien putain on vous aime » pour ceux qui ont fait allemand) que le groupe quitte la scène après un moment taillé comme une ligne droite à 200 à l’heure. Et on dira ce qu’on voudra, mais cette simplicité, elle fait du bien.
 
Critique : Thomas Enault
Date : 31/1/2023
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